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Extrait
Comme Benoît est assis depuis un moment, sans bouger, un lézard curieux vient lui rendre visite. Il s'approche audacieux mais avec précaution, à peine dissimulé derrière une immortelle. Le voici à vingt centimètres, à gravir une branchette, afin d'être plus près du sommet du sac à dos posé à terre ; puis il redescend, tel un éclair, pour monter sur le pied de Benoît, qui se garde bien de remuer. Quelle intention a cet indiscret petit reptile ?
Un craquement de pomme de pin et, fulgurant, l'animal s'enfuit, pour se cacher, derrière une pierre. Il attend un instant, vérifiant s'il n'y a pas de danger, puis revient à la charge, soucieux d'examiner Benoît, grande masse de chair qui ne bouge pas et qui pourrait bien être de la nourriture.
Il tourne en rond, ondule, refait les mêmes mouvements que lors de sa première venue. Cette parade doit être un rituel ou une tactique d'approche et de reconnaissance. Il s'arrête et regarde fixement Benoît, les yeux dans les yeux. Benoît reste impavide.
Vert sur le dessus, gris de chaque côté, l'animal est à sept centimètres de la main de Benoît. Il se hausse sur une brindille d'herbe sèche qui cède sous son poids, tombe sur le sol mais se rétablit immédiatement et, comme excité par la chute, s'enhardit encore plus.
Conquérant, le voici revenant tout de suite, il monte sur la chaussure, se pose, mesure s'il y a un danger. Tout est calme, rien ne bouge mais son museau au vent semble percevoir des signes, il doit sentir l'odeur de la peau. De plus en plus téméraire, il vient sucer Benoît, au niveau de la cheville, avec sa longue langue rouge orangé. Le goût semble lui plaire car il redouble d'ardeur pour lécher, c'est peut-être la crème solaire ou le goût de la sueur qu'exhale la viande. Brusquement il mord, véloce et rapteur, en écartant largement ses mâchoires aux dents minuscules mais aiguës. Il pince très fort la peau en tortillant sa tête d'un mouvement de prédateur, pour dépecer sa proie. En fait, il mordille suffisamment fort pour provoquer une sensation de douleur très désagréable, si bien que Benoît étend sa jambe d'une prompte saccade. Désarçonné, l'animal lâche prise immédiatement, se laisse choir et fuit apeuré mais surtout mécontent, presque vexé.
Didier Mansuy